AGRICULTURE

FILIÈRE KARITÉ : Les femmes rurales, premières concernées par les mutations à venir

Au Bénin, comme dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, le karité est bien plus qu’un fruit. C’est une ressource précieuse, une source de revenus stable, un levier d’autonomisation pour des femmes rurales. La filière, pourtant en pleine mutation, suscite désormais inquiétude et incertitude dans les communautés rurales.

Depuis plusieurs mois, l’éventualité d’un changement de politique dans le secteur du karité alimente les débats. Des voix s’élèvent pour promouvoir la transformation locale, au détriment de l’exportation des noix brutes. Si cette ambition paraît légitime au regard des impératifs de développement économique, elle comporte aussi des risques sérieux, notamment pour les femmes qui constituent l’épine dorsale de cette activité.

Aujourd’hui, la majorité des tâches liées au karité de la collecte au concassage, en passant par le séchage et la première transformation sont assurées par les femmes. Dans certaines localités béninoises, cette activité constitue souvent le seul accès direct des femmes à des liquidités, en particulier pendant la période de soudure.

Or, les mutations envisagées dans la filière pourraient bouleverser cet équilibre. Si les circuits d’exportation se réduisent, les prix à la collecte risquent de chuter. Les grands acheteurs internationaux, qui offrent aujourd’hui un débouché rémunérateur, seraient remplacés par un marché local encore trop étroit et peu structuré. Le risque est grand de voir ces femmes marginalisées dans un système industriel où elles n’auraient ni les moyens de transformer, ni le pouvoir de négocier.

Il ne s’agit pas de s’opposer à la transformation locale, bien au contraire. Mais encore faut-il que cette transformation soit inclusive, qu’elle donne aux femmes les outils, les formations, les équipements et les financements nécessaires pour être pleinement actrices de cette transition. Car transformer sans elles, c’est construire un système à deux vitesses.

Le karité, ce n’est pas seulement une matière première. C’est un savoir-faire ancestral, transmis de génération en génération. C’est une économie communautaire, fondée sur l’effort collectif, la solidarité, l’expérience. C’est aussi un marqueur culturel fort dans les régions productrices. Et ces dimensions doivent être au cœur de toute réforme.

Les femmes rurales sont prêtes à s’adapter, à évoluer avec leur temps. Mais elles doivent être écoutées, consultées, accompagnées. Car les décisions qui se prennent aujourd’hui définiront le visage de la filière demain. Et ce visage ne saurait se dessiner sans celles qui, chaque jour, en écrivent l’histoire.

✍️ D. K

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